Heures supplémentaires.

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Pandora se trouvait à l'académie comme la plupart du temps. L'académie était située non loin de l'opulente ville du royaume de Zerylia. Dans cet établissement se trouvait toute sorte d'élèves, des plus gentils aux plus détestables. L'ange déchu ne connaissait pas grand-monde, mais paradoxalement les autres semblaient déjà la connaître, si bien qu'ils n'osaient s'approcher. Où, si leurs arrivaient d'aborder l'adolescente, c'était uniquement dans le but de la brimer. Pour l'instant ce n'était rien de bien méchant, quelques remarques par ci par là, ou des bousculades dites "accidentelles". La jeune femme ne relevait pas ces attitudes enfantines et immatures, préférant se concentrer sur ses cours pour pouvoir espérer avoir un bon avenir. Le travail et les bonnes notes étaient très importantes pour elle. De plus, elle était pénalisée par le fait qu'elle était dans l'incapacité de parler en cours. Elle ne pouvait donc pas participer et perdait des points. Il y avait aussi le sport qui n'était pas son domaine préféré.

Quelle heure était-il ? Dix-huit heures, d'après la grande horloge. Les couloirs de l'académie étaient silencieux. Pandora trouvait ça agréable, de pouvoir vagabonder tranquillement dans les couloirs sans les assauts de paroles des pensionnaires, sans les bousculades, sans le bruit récalcitrant. Dix-huit heures et elle se trouvait encore et toujours dans l'Aile Du Travail. En réalité, elle se dirigeait actuellement vers une des salles de cours pour y faire ses devoirs. Elle aurait bien pu faire ça dans sa chambre, mais l'endroit où elle était le plus concentrée était dans une ambiance d'enseignement. Elle était, à la fin des cours, passée par sa chambre pour se changer, préférant exceptionnellement des vêtements plus courant et passe-partout. Un jean bleu clair surmonté d'un tee-shirt blanc où un joli motif était imprimé dessus. Un cœur rouge donnant l'impression de couler alors qu'une fausse fermeture éclair se trouvait au milieu de ce cœur. Juste en dessous, "Heart Breaker" écrit en une jolie typographie noire. Elle avait attachée ses cheveux en deux couettes tombantes et s'était amusée à se mettre un simple trait de crayon noir pour enjoliver ses yeux. Elle ne mettait pas souvent ce genre de vêtement, mais elle se disait que personne n'allait la voir habillée comme ça, car après tout, les couloirs étaient vides. Ils devaient tous être dans leur chambre ou à l'extérieur. Aucun risque que quiconque ne la voit comme ça.

Pandora était à présent tout près de la salle de classe où elle comptait se rendre. Avant de pénétrer à l'intérieur, elle s'approcha doucement et resta silencieuse, à l'affut du moindre son suspect. Elle entendait quelques bruits venant de la salle de cours. L'adolescente se crispa, apeurée, perdue. Devait-elle faire demi-tour ou bien rentrer dans la pièce ? Il y avait quelqu'un d'autre à l'intérieur, pour sûr. La jeune femme ne savait plus quoi faire. Son coeur battait très vite et fort, son estomac se noua. Elle ouvrit la bouche et essaya de parler et c'est avec un grand soulagement qu'elle s'aperçut que sa voix ne s'était pas éteinte. Elle espérait seulement que sa maladie n'allait pas reprendre facilement le dessus après avoir ouvert la porte. Elle comptait rentrer dans cette salle, elle y était déterminée. Au diable sa phobie, sa timidité et tout le reste. Elle fronça les sourcils. Quelques secondes plus tard elle posa sa main sur la poignée de la porte et la poussa timidement. En rentrant dans la salle elle put voir un jeune homme, probablement de son âge assis au fond de la salle. Il était assit... A sa place. Pourquoi ? De toutes les places qu'il y avait dans cette pièce, il fallait qu'il s'assoit à celle de Pandora. Cette dernière se sentait malchanceuse. Ce n'était pas bien grave, après tout. Il n'en savait peut-être rien. Comme bloquée devant la porte à présent fermée de la salle de classe, l'ange fixait l'inconnu. Intimidée. Elle était intimidée, pourtant ce jeune homme n'avait rien de spécial. De très beaux cheveux noirs aux reflets bleutés (ce qui n'était pas courant à voir), mais ce qui frappa la jeune femme, c'était la couleur des yeux du garçon. Bien qu'il était assez loin d'elle, celle-ci pouvait voir sans aucune difficulté la couleur de ses yeux, d'un vert troublant. Un vert profond, non pas terne comme elle en avait l'habitude de voir. Elle le regarda longuement, dans les yeux, sans trop s'en apercevoir.

- Bon...bonsoir. V–, vous... Enfin... C–Comment dire...

Honteuse, elle baissa aussitôt la tête. Elle ne savait plus quoi dire. Sa petite voix tressaillait, toute la détermination qu'elle avait peinée à rassembler avant d'entrer dans la pièce s'était envolée si facilement... En un lamentable claquement de doigt. L'ange déchu était figée sur place, ses jambes refusaient d'effectuer un seul mouvement, elle se sentait ridicule et n'osait même plus regarder l'inconnu comme elle l'avait fait auparavant. Pandora fit un pas hésitant en arrière et se heurta doucement à la porte de la salle. Elle joignit ses mains en un geste lent puis ferma les yeux. Elle se concentra sur ce qu'elle allait dire à cet inconnu. De cette façon, elle évitera de bafouiller, puisque sa phrase sera déjà en tête.

- Vous êtes à ma place... Mais, ça ne fait rien. Je va– Je vais m'installer plus loin. Excusez-moi du dérangement...

A première vue, l'élève qui était assit à la place de l'ange déchu ne devait pas être une personne bien sociable, ni quelqu'un de très sympathique non plus. Son visage ferme et dénué de la moindre petite émotion n'encouragea pas la jeune femme à l'aborder. C'était comme s'il tentait de lui faire comprendre de par son visage inexpressif qu'elle le dérangeait, ce qui était parfaitement compréhensible en voyant la pile de feuilles d'exercices qui occupaient la petite table. Le silence se fut pesant après que Pandora ait enfin réussi à articuler sa phrase de façon plutôt convenable, ou tout du moins elle l’espérait. C'était déjà un miracle qu'elle puisse parler en ce moment, face à ce jeune homme qui l'intimidait beaucoup. Elle vint même à regretter d'avoir ouvert la porte de cette pièce et d'être tombé sur cet inconnu qui la dévisageait. Pourtant, celui-ci n'avait rien de bien menaçant, au contraire. Il devait être une personne calme et posé qui aimait bien étudier, du moins il fallait vraiment beaucoup aimer les études pour pouvoir rester réviser après les cours. L'ange déchu replaça machinalement une de ses petites mèches blondes platines en gardant la tête baissée. Elle fit ensuite quelques pas hésitants, s'aventurant ainsi dans la salle de classe quand soudain elle fut stoppée par la voix de l'élève :

- Ne t'installe pas plus loin, si c'est ta place, c'est à moi de me déplacer. Je suis navré, je ne savais pas que c'était la tienne. Et puis tu n'as pas à me vouvoyer, tu sais.

Une voix au timbre plutôt doux. Pandora se résigna finalement à lever la tête pour faire de nouveau face au visage inexpressif de l'adolescent aux cheveux de jais, mais ce ne fut pas le cas. Il souriait, un doux sourire qui se voulait évidemment rassurant mais qui fit immédiatement rougir la jeune femme, profondément gênée. Elle observa le garçon qui avait maintenant changé de place, toujours hésitante à l'idée de s'installer elle aussi, bien consciente qu'elle devait très probablement le déranger. Cet inconnu était décidément quelqu'un de plutôt étrange, lui qui au départ avait l'air d'être une personne plutôt froide et distante se révélait être assez sympathique. Du moins c'était ce qu'il voulait montrer. L'ange déchu n'était pas du genre à juger autrui dès leurs premiers actes ou paroles, c'est donc pour cette raison que ses réflexions au sujet de cet élève s'arrêtèrent là. Elle fit quelques pas timides vers le grand bureau du professeur qui se tenait juste devant un tableau noir. Elle y prit quelques feuilles volantes qui lui étaient destinées, ainsi que de quoi écrire et posa le tout délicatement sur sa table.

- Tu peux t'installer. Je ne vais pas te manger.

Nouvelles paroles prononcées par l'adolescent à côté d'elle, et l'ange fut de nouveau rouge comme une pivoine. Elle était si timide, rougissait sans raison et n'y pouvait malheureusement pas grand-chose. Elle aurait bien voulu lui répondre, ne serait-ce qu'un mot mais sa répartie s'était comme envolée. Rien ne sortait de sa bouche, comme si elle ne trouvait plus les mots pour faire durer cette petite conversation. Elle détestait sa timidité. Cela lui empêchait de communiquer normalement avec autrui. Cette chose la rongeait inévitablement de l'intérieur, et bien qu'elle se battait contre elle-même, elle n'arrivait jamais à vaincre cette timidité, cette phobie qui avait été entretenue depuis sa tendre enfance et qui représentait maintenant un effroyable handicap. Pourtant, chaque jour, l'ange déchu essayait de faire des efforts, d'ailleurs c'est ce qu'elle fit à présent, prenant son courage à deux mains, elle se plaça devant la table de l'élève inconnu et lui demanda d'une voix qui se voulait calme, nullement intimidée par cet adolescent qui avait déjà replongé dans ses études. Enfin... Il n'écrivait pas, il dessinait...

- Dis... Est-ce que je... Je pourrais ouvrir la... La fenêtre ? Cette pièce manque d'aération... Enfin, ce n'est pas grave s-si tu ne veux pas ! Je comprendrai.

L'adolescente se tortillait les doigts nerveusement en attendant la réponse de cet inconnu aux cheveux de jais. Elle voulut se pincer pour avoir prononcée de telles absurdités. Elle demandait la permission à cet inconnu ? Non, elle n'avait pas besoin de sa permission. Elle faisait ce qu'elle voulait, après tout. Pandora se mordilla la lèvre inférieure, profondément agacée. Elle attendit un petit instant et alla vers la fenêtre du fond de la classe qui était fermée. Elle se plaça sur la pointe des pieds et attrapa frêlement la poignée de la fenêtre avant de l'abaisser de toutes ses pauvres forces. La vitre effectua un petit grincement sourd qui provoqua un petit écho dans le silence éternellement pesant, et la fenêtre s'ouvrit. Un vent frais s'immisça dans la salle de classe, arrachant ainsi un soupire de bien-être à Pandora qui resta un moment devant la fenêtre ouverte. Le vent faisait virevolter ses longues mèches de cheveux platines qui n'étaient pas emprisonnées dans ses couettes. La pièce fut aerée ce qui soulagea grandement l'adolescente qui prit une grande bouffée d'air revigorante.

- Comment... Tu t'appelles ?

Aïla errait sans but dans les couloirs de l'académie. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle venait y faire, mais elle n'avait aucune envie de retrouver sa chambre, silencieuse et presque vide, comme chaque soir entre la fin des cours et le dîner. Elle avait envie, ce soir, de bouleverser ses habitudes, de faire un peu autre chose. Problème : elle ne savait pas quoi. Elle aurait pu rejoindre d'autres filles, mais elles étaient toutes dans les chambres les unes des autres, à se maquiller et plaisanter. Encore, s'il n'y avait eu que les plaisanteries, elle les aurait sans doute retrouvées, mais le maquillage...

Elle avait donc fini par laisser ses pas la guider, ce qui l'avait amenée à faire le tour de l'académie. Revenue à son point de départ, c'est-à-dire la porte de sa chambre, elle consulta l'horloge se trouvant au milieu du couloir du dortoir des filles, juste devant sa porte : dix-huit heures trente... Elle avait encore du temps libre avant le dîner, qu'elle ne savait pas comment employer. Elle repensa aux cours... Mais comme c'était une bonne élève, attentive, aucune activité n'était possible de ce côté-là non plus. Ses devoirs ? finis depuis longtemps. Ses révisions ? Pas nécessaires, elle avait tellement fait attention aux paroles des professeurs qu'elle les connaissait toutes par coeur, même les commentaires ne faisant pas partie de la leçon. Elle finit par rentrer dans sa chambre, fouilla dans son sac et en sortit une dizaine de feuillets couverts d'une écriture fine et régulière. La rédaction, dont avaient parlé pendant des heures les filles de sa classe après le cours durant lequel le professeur la leur avait donnée. Elle ne lui avait posé aucun problème, elle adorait ça, l'écriture, surtout celle d'invention. Et puis, le sujet n'était pas très développé, ce qui paniquait les autres, mais, elle, c'était ce qu'elle préférait. Ainsi, elle était libre de faire ce qu'elle voulait, manipulant les mots avec une facilité déconcertante. Elle n'avait pas été très loin pour trouver l'inspiration : comme elle lisait beaucoup, elle avait juste résumé dans sa tête chacun des romans qu'elle avait lus, puis avait écrit sa rédaction, sans brouillon, directement au propre : elle prenait les personnages d'un roman, les faisait évoluer dans les lieux d'un autre, adoptant le style d'écriture d'un troisième...
Elle eut soudain une pensée compatissante pour son professeur, en observant l'épaisseur de la petite pile.

-Et dire qu'il va devoir relire tout ça ! Je le plains ! Peut-être que je devrais faire des coupures ?

Elle allait revoir sa production, quand une voixl'appela du dehors :

-Aïla ? Tu es là ?

-J'arrive !

La jeune ange attrapa un classeur, y glissa ses feuilles, espérant pouvoir les relire et raccourcir le texte plus tard, et sortit de sa chambre, rejoignant celle dont elle avait reconnu la voix, sa meilleure amie. Elle commencèrent à discuter, tout en marchant dans les couloirs. La discussion tournait autour de la rédaction. Connaissant le niveau d'Aïla en français, son amie lui demandait des conseils et des idées. Elle étaient arrivées devant une salle, ce qui rappela à Aïla le contenu de son classeur. Elle proposa à son amie de lui montrer "sa" copie, mais l'autre refusa. C'est alors qu'elle tendit l'oreille. Aïla en fit de même et entendit une voix féminine. Mais son amie, étant elfe, avait une meilleure ouïe qu'elle.

-J'entends la voix de ton ami Simon, fit-elle en poussant Aïla vers la salle.Va donc lui dire bonjour !

Et elle la poussa dans la salle, avant de partir, riant aux éclats et plantant là son amie. Aïla lança un regard gêné à Simon et un autre, interrogateur, cette fois, à la jeune fille, semblant lui demander qui elle était, bien qu'Aïla n'attende pas de réponse. C'est alors qu'un courant d'air plus fort que les autres se fit sentir. Pour se donner une contenance, mais aussi pour éviter qu'elle ne claque, elle ferma doucement la porte. Puis elle fit de nouveau face aux deux autres et les salua :

-Bonjour, Simon. Bonjour... Au fait, comment t'appelles-tu ?

Quand Pandora lui eut répondu, elle hocha la tête pour lui signifier qu'elle s'en souviendrait, puis s'installa à la table la plus proche, non désireuse de déranger son ami et l'autre jeune fille. elle ouvrit son classeur et commença à relire sa rédaction. C'est alors qu'elle se rendit compte qu'elle avait oublié de prendre un stylo. Mais ce n'était pas ça qui manquait, dans un établissement d'enseignement. Elle promena son regard sur la salle, et finit par en découvrir un qui traînait non loin. Elle le prit, et commença à recopier, cette fois sur un brouillon, les passages qu'elle comptait enlever. Elle jeta un coup d’œil à Simon, puis à Pandora, et reprit son travail, feignant de s'y absorber totalement. Mais en fait, elle écoutait, mine de rien, ce qui se disait. Simon, qui la connaissait un peu, pouvait peut-être s'en rendre compte, contrairement à Pandora, et Aïla le savait, mais elle prenait le risque. Et puis, il ne pourrait pas lui en vouloir : ils se trouvaient tous les trois dans la même salle, comment ne pas entendre ce qui se disait à la table voisine ?